Publié par CEMO Centre - Paris
ad a b
ad ad ad
Ahmed Youssef, Écrivain, Directeur exécutif du CEMO
Ahmed Youssef, Écrivain, Directeur exécutif du CEMO

Des Egyptiens que j’ai connus à Paris. Omar Sharif : Il est une question qui résume ta vie ! (4)

jeudi 26/août/2021 - 11:07
طباعة

Les Causeries du vendredi à Paris

 

 

Des Egyptiens que j’ai connus à Paris.

Omar Sharif : Il est une question qui résume ta vie ! (4)

 

Omar Sharif vivait à l’hôtel Royal Monceau . Cet hôtel de lux proche des Champs-Elysées, appartenait à un riche Syrien. Comme si cet artiste qui traversait les barrières des langues, des cultures et celles de la géographie et de la politique, fut condamné au nomadisme . Il aimait beaucoup que je l’appelle « Le Nomade des temps modernes », ce qui faisait allusion à son origine orientale, d’une part, et au titre du film le plus célèbre de Charlie Chaplin, d’autre part.

De même que mon livre "Cocteau l’Egyptien" fut la cause de mon amitié avec le chanteur défunt Charles Aznavour, il fut également à l'origine de mon amitié avec la vedette égyptienne la plus célèbre du monde. En effet, le poète et cinéaste  Jean Cocteau l’avait accueilli au festival de Cannes en 1955, lorsque Omar et Youssef Chahine assistèrent à la projection de leur film « ciel d'enfer». Omar me demanda de lui apporter un exemplaire du livre . Il me révéla qu’il avait assisté en 1949 à une représentation théâtrale de  Cocteau et de sa troupe à Alexandrie. Il eut alors l'occasion de rencontrer le poète lors d’une réception  organisée par l’association des Hommes de lettres d’Alexandrie en partenariat avec le Collège français Saint-Marc et le Collège anglais Victoria (à voir le livre intéressant de notre collègue à Al Bawaba, la journaliste prometteuse  Dalia Assem sur les célébrités issus du  Victoria college).  Omar m’a dit que Jean Cocteau avait longuement regardé les traits de son visage et lui avait prédit un avenir brillant s’il entrait dans le monde du cinéma .  Jean Marais  -  connu pour sa beauté - était présent. Il semble avoir éprouvé une certaine jalousie vis-à-vis de lui .

Paris était alors son Alexandrie européenne. Sharif il l’avait adopté comme seconde patrie malgré les attraits de Rome ou de Madrid dont  il maîtrisait parfaitement leurs  langues aussi bien que le français. Jacques Chirac, alors  maire de Paris, avait organisé un hommage spécial pour Sharif en sa qualité de citoyen d’honneur de Paris (on peut trouver des extraits de la cérémonie sur Youtube). Je me suis mis alors d’accord avec le président de l’Institut du monde arabe Dominique Baudis pour organiser une semaine de projection des films de Sharif tournés dans sa période égyptienne. En effet, ces films  n’étaient pas du tout connus en Occident. Sharif s’enthousiasma pour l’idée. Je me suis mis à écrire un texte littéraire et historique sur cette période de la vie de l’artiste et sur le contexte politique de son pays. J'ai tenu, en effet, à souligner les débuts des changements sociaux et idéologiques qui ont suivi le Mouvement de l'armée de juillet 1952 . Ce texte était destiné à servir de présentation  la presse . Mais de nombreux obstacles empêchèrent malheureusement la concrétisation de ce projet. Le temps nous a peut-être manqué.

Ce qui est étrange, c’est que Sharif me semblait ne pas bien connaître Paris . Il m’interrogeait sur la raison de la présence des monuments égyptiens ici et là, ou à propos de certains faits de l'histoire (il avait néanmoins une bonne connaissance de l’histoire politique du conflit israélo-arabe durant les cinquante dernières années.  Peut-être dut-il en pâtir !) ou sur les  principaux livres publiés alors sur l'Egypte dans les librairies. Ainsi, nous nous étions mis d’accord pour visiter ensemble la librairie du musée du Louvre pour en choisir quelques uns sur l’art pharaonique. Pourquoi le Louvre en particulier ? . Parce que son épouse, la vedette Faten Hamama aimait beaucoup ce lieu et y achetait souvent des livres. Pauvre Omar Sharif :   vint le jour où il remplaça la belle Faten par un Egyptien littérateur et bavard... J'ai passé alors le chercher à l’hôtel pour l’accompagner au Louvre. Mauvaise surprise : il avait déjà quitté Paris pour New York en me laissant un message vocal en forme d'une question qui pourrait résumer sa vie : «  ne m'as-tu pas dit que j’étais un nomade ? » .

"